Comment se renouveler quand on livre son 7eme spectacle en 10 ans ? En continuant à cultiver l’excellence. Jim Jefferies (J.J) continue à enfoncer le clou, show après show, il utilise les mêmes mécaniques, les mêmes personnages et navigue sur les mêmes thèmes sans pour autant se répéter. On est presque dans une démonstration de force tellement il semble en possession de 100% de ses moyens dans ce nouveau special.
L’après Bare
En 2014, le 5ème spectacle de J.J, intitulé Bare, contenait une perle de stand up, un sketch sur la régulation des armes aux USA. Puissant dans le fond comme dans la forme, ce passage a catapulté J.J dans les bonnes conversations : tournées, shows télé etc. C’est un tournant pour le comédien et depuis il a intégré dans ses spectacles cet élément déclencheur. J.J arrive sur chaque nouveau spectacle en trainant derrière lui son expérience et en intégrant sa propre mythologie à ses performances.
Dans This is me Now, on retrouve les éléments qui composent le style de Jefferies : du politique, du narratif et du borderline. Ce qui est intéressant c’est que les angles sont aussi originaux que limpides. Au lieu de s’attarder sur l’ensemble de l’oeuvre de Donald Trump, J.J préfère s’acharner sur une déclaration du Président qui affirme “attraper les femmes par la chatte“. A partir de là, il pousse la démonstration jusqu’à l’absurde en démontrant les limites physiques d’une telle affirmation et en extrapolant sur la faisabilité de la chose et les différents éléments que cela implique : être une célébrité, tomber sur une femme sans sous-vêtements etc.
C’est sa capacité à aller au bout d’un raisonnement quitte à y passer 20 minutes qui fait de J.J un comédien si particulier. Dans la structure ses spectacles se ressemblent et si vous connaissez son oeuvre, vous allez venir voir les grandes phases et pourtant cela ne gâche rien ! A 25 minutes de la fin, il amorce une histoire impliquant des célébrités : Al Pacino, Leonardo DiCaprio, Eddie Murphy…C’est évident pour qui connait J.J que c’est le dernier virage du spectacle, la dernière grande histoire. Cette histoire, comme la plupart des longues histoires du comédien se transforme en Inception, une histoire, imbriquée dans une autre et ponctuée de nombreuses digression. A la fin il retombe toujours sur ses pattes, il en est conscient et sait que c’est sa force. Sa capacité à maitriser ce qu’il est et les attentes du public sont deux éléments qui rendent le show puissant.
Quel intérêt pour un amateur de stand up?
Si vous voulez voir quelqu’un repousser les limites en permanence alors J.J est votre homme. Son vocabulaire est totalement ordurier, il ne s’impose pas du tout le carcan de limiter ses jurons et grossièretés mais rien ne semble en trop, tout a l’air de vraiment faire partie de lui, de qui il est profondément : un mec qui boit trop, qui s’énerve trop et qui en a déjà assez vu pour avoir un avis sur beaucoup de choses. Ses longues histoires sont un exercice très particulier, elles s’étirent sur des durées qui sortent totalement de l’unité de temps de 10 minutes que certains comédiens peuvent roder. En prenant le risque d’aller sur une histoire à rallonge, J.J crée une tension dramatique, une narration avec des enjeux et se sert de tous les éléments comiques à sa disposition : imitations, running gag, flashback.
En stand up on évoque rarement l’importance que peut avoir le décor mais dans This Is Me Now, l’arrière scène est magnifique avec des éléments caractéristiques de Londres : un taxi, une cabine téléphonique, un boite à lettres rouge etc. Ca rend le show largement plus télégénique qu’un simple rideau noir et la beauté de ce décor risque fort de pousser d’autres comédiens à aller plus loin visuellement lors de l’enregistrement de leur special
This Is Me Now est le show d’un comédien au sommet de sa forme. Grande salle, grandes histoires, grand n’importe quoi à bien des égards, ce nouveau special de Jim Jefferies est exactement ce que l’on peut attendre d’un comédien sur une si belle lancée : une contribution supplémentaire à un palmarès déjà bien fourni.