En standup on est censé être soi-même, pourtant on incarne de temps en temps des trucs qui ne sont même pas humains : on fait parler des objets, des animaux ou même des concepts…
La prosopopée
Quand on est sur scène on a des fois envie de pousser le curseur de fantaisie à l’extrême, par exemple : parler à un chien et faire parler le chien en retour… On peut aussi vouloir s’adresser à un hamburger, à sa dignité, à un mort…Que des choses qui normalement ne parlent pas et à qui on ne donne pas la parole.
Cette figure de style qui consiste à donner le verbe à ces éléments non-humains s’appelle la prosopopée. On se sert énormément de la prosopopée en standup mais jamais on ne la nomme explicitement, alors que la figure est connue depuis longtemps et qu’elle a un réel intérêt.
A quoi ça sert?
Vous savez maintenant que le standup est une question de point de vue. Vous parlez en votre nom et souvent vous observez des choses par votre prisme. Pour casser ce schéma rien de tel que d’avoir en retour la vision de ce qui est observé ! C’est aussi surprenant qu’efficace.
Exemple 1 : Je croise un pigeon que je trouve particulièrement laid…Peut-être que le pigeon en me voyant se dit “Cet humain est particulièrement laid” aussi.
L’effet miroir marche très bien grâce à la prosopopée. Cela fonctionne aussi avec des choses très abstraites
Exemple 2 : Je pèse 90 kilos et le seul tshirt qui me restait était un Petit Bateau taille S. Je l’ai enfilé et j’ai ma dignité qui est venue me dire “Ok il faut qu’on se sépare, ça ne peut plus durer…Ca ne vient pas de toi…”
Faire parler une notion comme “la dignité” n’est pas courant dans la vie de tous les jours, donc il y a de grandes chances que cela crée la surprise et qui dit surprise dit (peut-être) rire !
La différence avec un dialogue entre deux humains
Jouer un dialogue en standup est quelque chose de fréquent, la plupart du temps ce dialogue a lieu avec un être humain. Cet humain a des caractéristiques bien définis, un physique, une façon de parler, un point de vue…Mieux vous l’incarnez, plus c’est drôle en général.
En utilisant la prosopopée, vous créez un dialogue avec une chose qui n’a pas des attributs aussi évident qu’un humain. Vous devez donc faire appel à une notion voisine de la prosopopée qui est la personnification. Elle consiste à attribuer des propriétés humaines à un animal ou à une chose inanimée. C’est ainsi que le pigeon de l’exemple 1 a une attitude un peu snob, il juge les gens sur leur physique…Dans l’exemple 2 on a une notion, la dignité, qui souhaite mettre fin à une relation de longue date, un peu lâchement…
S’il est facile d’imiter un serveur de restaurant désagréable, en particulier si vous en avez un précis en tête, il est plus difficile de prêter une voix et une attitude à un pigeon, à une notion ou à une tasse de café. Il n’y a pas de secrets : il faut tester ! Vous devez tester des voix, des attitudes, des tics de langage pour parfaitement incarner l’objet ou l’abstraction que vous souhaitez. La grande astuce dans cette démarche est de ne jamais se départir du point de vue de ce que l’on incarne.
Dans l’exemple 1, si on fait parler un pigeon, il est conscient d’être un oiseau, de pouvoir voler, de vivre grâce à ce que lui donne les humains, de ne pas aimer les chats etc. Toute sa pensée passe à travers ce filtre.
Dans l’exemple 2, la “dignité” est une valeur noble qui ne peut pas s’enticher de quelqu’un qui ne la mérite pas…Elle a donc des critères précis pour rester avec quelqu’un.
Vous risquez de ne pas trouver la façon optimale d’incarner ce que vous voulez du premier coup. Il va falloir tester, réfléchir, modifier et effectuer les réglages nécessaires jusqu’à ce que votre “pigeon” ou votre “dignité” soient uniques.
Utiliser la prosopopée en standup est une façon de surprendre et on dit que le rire vient de la surprise…Repérez dans vos écrits s’il y a de la place pour cette figure de style et travaillez là jusqu’à la rendre unique.