Quand on écrit on doit être libre, on endosse le costume du “créatif”, quand on joue et qu’on améliore alors on doit devenir “l’analyste”. Ces deux aspects bien qu’intrinsèquement liés ne doivent pas se nuire.
Le créatif
Quand vous écrivez, vous devez respecter votre “flow”. C’est à dire que toute votre concentration doit servir votre créativité, le fait de produire et d’explorer. Il est primordial d’écrire sans contrainte, de se laisser dériver pour arriver à des constructions mentales que l’on ne soupçonnait pas, sans se soucier du “est-ce efficace?” “les gens vont-ils comprendre?” “Je ne vais pas trop loin?”
Le créatif est libre, inventif, curieux !
L’analyste
En tant que comédien stand-up nous avons des exigences en particulier en matière de rythme et de volume de rire. C’est par un travail d’analyse d’un sketch et d’optimisation qu’on arrive généralement à des textes plus aboutis. En effet il est très facile quand on voit que pendant tout un paragraphe il n’y a pas matière à rire, de se dire “ok là il manque deux trois blagues ou une façon drôle de décrire ça”. L’analyste est aussi là pour voir le tableau dans son ensemble et remarquer si il y a des boucles narratives à boucler, des running gags à ajouter, des parties à supprimer etc.
L’analyste est factuel, pointilleux et toujours à la recherche de l’amélioration.
Pourquoi ils ne doivent pas se télescoper
L’analyste ne doit pas venir freiner le créatif en vous ! Peut-être que ça a l’air simple quand on le dit mais en pratique ces deux aspects ont tendance à se tamponner et à interférer sur la fonction de l’autre. Ainsi le créatif peut voir sa plume modifiée et ralentie par le créatif qui va lui mettre la pression en matière de structure, de rythme ou d’impact comique. Le pire que puisse faire l’analyste est de distiller le doute, souffler à l’oreille du créatif que ce qu’il écrit n’est pas drôle, que ça ne marchera pas, que les gens ne comprendront pas le délire.
Comment satisfaire les deux parties?
Le soucis c’est qu’on ne peut pas faire taire notre côté analytique, si on essaye de l’ignorer en général il s’exprime encore plus fort ! Cette peur pousse certains à utiliser de subterfuges comme l’alcool et autres drogues légères pour justement ne pas entendre la critique pendant le processus créatif.
Pas besoin de se laisser aller à ces dérives, pour limiter la confrontation entre le Créatif et l’Analyste il faut juste laisser un temps à chacun de s’exprimer, mais un temps séparé. Il faut cloisonner leurs opportunités de parler !
Ma méthode
Quand j’écris, je me concentre vraiment sur l’histoire que je raconte et ses extrapolations, c’est le Créatif qui prend place. J’adore partie d’un fait simple et de voir si je pousse tous les curseurs au maximum jusqu’où je peux aller. J’essaye d’être drôle mais sans technique, sans utiliser les structures que je connais qui consolident un sketch. L’important à ce stade pour moi est juste de prendre une idée et de la tordre au maximum et quand elle est tordue de la faire passer dans une autre dimension. Quand c’est fait je laisse le texte reposer 24H.
Le lendemain je laisse sa place à l’Analyste qui va relire ce qu’a fait le créatif et graduer les écrits “ok ça c’est bien/ ça c’est pas clair/ hum intéressant il y a un truc à faire en reliant cette idée et celle ci”. Ma partie analytique est focalisée sur le rythme et sur le volume des blagues. Il arrive donc à l’Analyste d’écrire des blagues mais il laisse aussi des espaces pour le Créatif avec des annotations du type :”Chercher à pousser plus loin cette histoire”.
C’est ainsi qu’en travaillant en alternance, ces deux aspects s’entraident sans se nuire. La démarcation n’est jamais aussi limpide et absolue mais il faut tenter de la maintenir.
Créer et analyser sont deux phénomènes qui ont tendance à s’entremêler. Pour produire des sketchs de qualité il faut s’efforcer à séparer ces deux tendances et à laisser un temps au Créatif et à l’Analyste de s’exprimer sans subir la pression de l’autre.