A force d’écrire d’écrire des blagues, vous allez vous retrouver avec un certain volume de matériel. Comment faire pour relier ces blagues?
Une histoire pour créer du lien
Peu importe vos blagues ou l’ordre dans lequel vous avez décidé de les faire, il y a toujours moyen de les relier grâce à une petite histoire, de donner une petite narration à l’ensemble. Cela ne veut pas dire créer un scénario digne des Oscars mais juste apporter des éléments de cohésion pour lier le tout.
Donner du contexte
Ca peut être extrêmement simple et juste contextualiser vos blagues du type : j’étais à tel endroit ou je faisais ça…
Exemple de la blague sur les digicodes tactiles : La station service a changé la façon de payer en carte bleue aux pompes, maintenant il n’y a plus de digicode en relief comme aux distributeurs de billets mais des tablettes tactiles. Pour en arriver à parler de ça, je vais donc passer par l’étape : “J’ai du aller à la station service parce….La bas j’ai fait ci et ça….puis j’ai constaté que les digicodes ont changé…une femme est entrée a fait une remarque…j’ai interagi avec cette femme…“
Au lieu de simplement parler du digicode j’ai raconté toute une histoire dans laquelle les blagues sur le digicode s’intègrent logiquement. Il n’y a vraiment rien de compliqué ou d’original, je veux parler du digicode de la station-service, ça reste rationnel que j’y aille pour me servir de l’essence et remplir le réservoir d’un véhicule.
Même si le prétexte est mince, il me permet d’avoir un point de vue direct sur l’action, de ne pas être un simple narrateur et de plonger le spectateur dans l’histoire.
Trouver une logique
Si vous avez tendance à écrire des blagues plus ou moins déconnectées les unes des autres, je vous conseiller d’utiliser la méthode suivante :
- Mettez le nom de chaque blague sur une petite fiche
- Placez toutes vos fiches sur une table
- Regroupez les quand elles ont des éléments communs : un sujet similaire (la technologie, les transports, la nourriture), des protagonistes identiques (vos parents, votre femme), une géographie commune (ça se passe à la station-service, à l’école, à la pizzeria), etc
- Une fois ces fiches rassemblées par éléments communs, vous pouvez imaginer comment les agencer et les lier.
Un long exemple
Exemple personnel :
J’ai 4 phases totalement déconnectées sur les sujets mais qui reposent sur la même dynamique : analyser des expressions de la langue française ou des subtilités linguistiques.
Les 4 phases se nomment : Ane mort/ Faux Plafond / Croque-mort / Farenheit
A force de les jouer j’ai compris que ces phases devaient se succéder avec comme lien entre elles : “J’adore la langue française, je me pose juste des questions sur ces expressions“.
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Ainsi ma première longue phase “Ane mort” est introduite par “Depuis que je tourne dans le sud je me suis aperçu que nous avions tous un accent mais qu’il était légèrement différent. L’accent de Toulon ressemble à celui de Marseille mais il est plus doux. (j’adapte à la ville où je suis) Par contre nous avons tous les mêmes expressions et j’ai remarqué que la plupart impliquaient un âne...”
J’effectue cette longue phase sur les expressions à base d’ânes.
Puis j’enchaine en disant “Tout à l’heure on m’a dit un truc marrant en coulisses, on m’a dit : fais attention au faux plafond“.
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Et je poursuis sur une phase sur l’expression faux plafond. Ce qui lie une blague à l’autre est cette situation où je dis que juste avant d’entrer sur scène on m’a dit un truc que j’ai trouvé marrant.
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Quand l’histoire du faux plafond est terminée, elle est tellement absurde et à base de jeux de mots abstraits que je peux dire “J’adore étudier la langue française, en particulier l’étymologie, le sens des mots. Mon mot préféré ça reste le mot croque-mort. Est-ce que quelqu’un connait l’origine du mot croque-mort?“
S’en suit une longue phase sur les croque-morts où j’explique que la personne qui a inventé le mot a aussi inventé le croque-monsieur et le croque-madame.
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Et c’est à partir de cette notion d’invention que j’enchaine sur la dernière phase. “Ce qui est intéressant avec les inventions c’est que des fois elles se produisent en même temps à des milliers de kilomètres sans que l’on comprenne pourquoi. Par exemple au milieu du 19ème siècle il y a un savant qui…“
Et là j’explique comment sur la même période Farenheit et Celsius ont tous les deux établi une échelle de mesure de la température. Chacun voulait répondre au même besoin mais leurs références et logiques étaient particulièrement différentes.
A la base ces 4 phases ont été construites séparément et n’ont pas de logique immédiate entre elles. Toutefois en les structurant de la sorte, elles gagnent en puissance car elles dévoilent ma façon de penser et qu’au lieu d’avoir des blagues déconnectées, je démontre un cheminement mental complexe et abouti qui ne fait que monter en absurdité. La vanité qui pousse Farenheit et Celsius à nomme des degrès à leur nom et la même que celle du Croque-mort qui invente des mots avec “croque”. Ce n’est pas aussi explicite mais c’est assez facile à réaliser quand on voit le tableau dans son ensemble et que l’on écoute les blagues du début jusqu’à la fin.
Chaque blague peut se nourrir de la narration
Si dans un premier temps on cherche juste à ordonner les idées et à trouver une logique narrative justifiant et rendant plus agréable un sketch, dans un second temps on peut se servir de la narration pour améliorer ses blagues.
– Le running gag s’insère parfaitement dans une histoire : un élément drôle donné en début d’histoire va revenir et se répéter tout au long du sketch.
– Les implants (article à venir) vont aussi contribuer à rendre votre sketch plus dense : des informations que vous donnez tout au long de votre narration vont avoir un impact sur la suite.
– Les personnages récurrents : une fois que vous avez établi qu’un personnage était d’une certaine façon grâce à la caractérisation (ex :qu’il était vouté et qu’il avait la voix cassé), à chaque fois que vous le jouerez les gens auront déjà tous les codes inhérents à ce personnage.
– Les résolutions (article à venir) sont autant d’attentes créées chez le spectateur : en début de sketch vous donnez des enjeux (ex: je vais vous raconter la fois où j’ai failli mourir écrasé par un cochon) et en fin de sketch vous allez pouvoir résoudre cette situation sans qu’on s’y attende forcément.
Lier ses blagues par une narration est une nécessité pour obtenir plus d’adhésion et offrir une logique nécessaire à certains spectateurs. Ce travail vaut la peine d’être effectué tant il peut apporter de la puissance à l’ensemble de vos blagues.