Quand on veut se lancer dans un sketch, c’est mieux de partir du fond (le sujet, l’axe, l’analyse) ou de la forme (des blagues, des situations comiques) ?
Les avantages de partir du fond
Une grande partie du métier de metteur en scène ou de co-auteur consiste à assister des comédiens dans l’écriture et à les permettre “d’accoucher” de leurs sketchs. Souvent ils viennent avec une phrase du type ” J’ai envie de montrer qu’on peut réussir en étant XXX” “Je veux casser le cliché de YYYY” ” Je crois que l’histoire où mon père a ZZZZ est assez universelle” etc.
C’est toujours intéressant de partir de ce type d’envie car cela oblige à se poser des questions : “Ok par quels exemple tu vas montrer XXX? Comment tu veux dépasser YYYY? En quoi ton père qui fait ZZZZ est universelle, qui va s’y retrouver? Pourquoi il a fait ZZZ alors que les autres auraient fait différemment?“
Il arrive que ces histoires soit sous-tendues par un sentiment personnel profond : “J’ai toujours trouvé ça injuste” “J’aimerais que ça change” “Je souhaite partager cette leçon de vie”.
L’avantage en partant de cette base de réflexion c’est que l’on va orienter l’écriture pour défendre au mieux la thèse défendue. On part donc de quelque chose d’assez sérieux et on y injecte la comédie au fur et à mesure.
Quand le travail de comédie est terminé on peut déterminer si on a visé juste ou pas…Si le point de vue que l’on souhait exprimer au début est le même que l’on a réussi à exploiter en faisant des blagues.
Partir des idées peut contribuer à mettre l’écriture sur des rails et à lui faire maintenir une logique bien utile, en particulier en matière de narration.
Les avantages de partir de la forme
En tant que personne qui aide les autres à faire aboutir leurs idées, j’aime autant que l’on vienne avec un sujet qu’avec une blague simple. Dans ce cas précis, il m’incombe de voir avec le comédien si la blague va prendre toute l’ampleur qu’elle renferme ! Comme dans cet exemple où tout part d’une blague idiote.
Quelqu’un qui arrive avec une blague simple a déjà l’unité première d’un sketch. Il reste maintenant à se demander si la blague est vraiment parfaite dans sa construction : clarté, efficacité, mise en scène. Puis il faut voir si il n’y a pas la place pour l’exploiter plus notamment avec une survanne ou des digressions. J’applique la méthode Flip Flap Flop décrite dans cet article. La blague de base est Flip, la blague où l’on renverse un peu la situation est Flap et celle où l’on explose le cadre est Flop. S’il y a la place pour faire ça alors il faut essayer.
On est parti d’une simple blague et d’un coup on se retrouve avec 3 éléments plus grands qui restent des blagues et qui tournent autour de la même idée.
Au lieu de mettre de la comédie dans une narration, on en vient à trouver une narration dans la comédie !
Aucune méthode n’est plus probante que l’autre
Il n’existe pas de règle universelle pour écrire. Je connais des comédiens qui sont à l’aise à l’idée d’exploiter un sujet à fond : travail de recherche, de structure, de problématiques etc. Pendant ce travail ils commencent à noter des blagues, à voir comment elles peuvent s’imbriquer dans leur discours.
J’en connais d’autres qui aiment juste noter des blagues drôles et qui se laissent le temps de les relier entre elles par la suite.
Vous n’avez aucun intérêt à vous enfermer dans une méthode plutot qu’une autre, comme d’habitude il faut tester ! Si c’est la vanne qui vient en premier alors partez de ça, si c’est le sujet qui vous habite plus alors démarrez avec.
Mon exemple personnel
J’ai commencé en humour en étant plutot de l’école du fond, à savoir prendre un sujet et l’aborder de manière empirique, en tournant autour de toutes les problématiques. Par la suite, je me suis aperçu que je n’aimais pas cette méthode car elle aboutissait chez moi à des sketchs trop “scolaires”.
Aujourd’hui je préfère partir d’une blague, aussi stupide qu’elle soit et la tirer dans tous les sens. Elle tourne en boucle dans ma tête et quand je la pose à l’écrit elle est souvent proche de la version finale que je vais exploiter sur scène. Elle a rarement un fond explicite…Toutefois quand par la suite je constitue une “routine”, j’analyse si il n’y a pas des thématiques communes, des blagues qui se répondent par leurs idées ou leurs dynamiques. Si c’est le cas alors je reconstitue une narration à partir de ça.
J’aime décrire mes routines ou sets en utilisant l’image de la chanson enfantine “3 petits chat” qui fait : Marabout, bout de ficelle, selle de cheval etc…
Je passe d’une blague à l’autre en essayant de rebondir sur un élément constitutif de la dernière blague !
C’est mon truc, j’ai mis un moment à le trouver et je n’essaye pas du tout de me l’imposer à l’écriture d’un sketch. C’est une patine que j’applique par la suite, quand j’ai mes blagues bien écrites et exploitées à fond.
Un stand-up sans vanne n’existe pas et des vannes sans sujet non plus. Que vous abordiez l’écriture dans un sens ou dans l’autre, ce qui compte c’est le produit final : votre sketch !