On a tendance à croire que la meilleure façon pour faire une blague c’est de se concentrer sur les mots alors qu’en vérité il faut être connecté à l’ensemble de l’expérience.
Comment fonctionne votre cerveau?
L’être humain a 5 sens : la vue, l’ouïe, le touché, l’odorat et le goût. Il est assez dur de se remémorer le goût et l’odeur, par contre il est plus facile de stocker en mémoire ce que l’on a vu entendu ou ressenti. C’est une combinaison de plusieurs sens qui crée une information dans notre esprit sans même que l’on ait à activer ça consciemment. Le cerveau s’occuper d’emmagasiner l’information et quand on veut y faire appel alors on va chercher une image, se remémorer un son ou une sensation pour se reconnecter au renseignement.
C’est ainsi que si l’on vous demande de décrire votre dernier trajet en voiture vous allez dire : “Elle était garée dans la rue, le type devant m’avait un peu collé, j’ai eu du mal à sortir, je suis passé par le boulevard, et juste quand je suis arrivé un type quittait sa place avec un gros 4*4 , donc je me suis garé facilement”. En vous ces informations n’étaient pas stockées sous forme de mots mais bien d’une expérience qui mêlait plusieurs de vos sens. Pour mettre des mots dessus, vous vous êtes remémorés les images, les sons, les sensations…
Le ressenti touche plus que les mots
Les mots ont uniquement le pouvoir de donner un nom à ces choses mais ils ne les représentent pas. Un mot ne déclenche pas un comportement, si je vous dit “Triste”, vous ne serez pas triste, vous savez juste à quoi je fais référence. Par contre si je vous raconte une expérience triste de ma vie, là vous pouvez être touché par l’émotion de la tristesse.
Dans on ouvrage Stef By Step to Stand-Up Comedy, Greg Dean donne cette incroyable image : “Les mots sont comme un menu alors que les expériences sont les plats. Répéter une blague en mémorisant les mots c’est comme aller au restaurant et manger le menu, ça ressemble au vrai truc mais ce n’est pas le vrai truc…“
L’impact sur les répétitions
Quand on écrit des blagues, on pose bien des mots sur du papier et quand on veut les apprendre, on se réfère au texte et on mémorise littéralement ce qui est écrit…Enfin ça c’est ce que la plupart des gens font !
Le soucis c’est que ce ne sont que des mots et qu’ils ne font sûrement pas totalement justice à l’expérience que l’on veut partager car celle-ci n’est pas composée que de mots, elle est la réunion de sensations et de réactions à des situations.
En fixant les mots trop vite, un comédien peut se déconnecter de l’expérience de base en occultant les sons, les images et les sentiments qui l’ont composée. Souvent cela abouti à une dissociation émotionnelle, où la blague perd de son sens car elle ne résonne plus en vous, paradoxalement elle a été désincarnée par les mots!
Se concentrer sur le feeling
Quand vous racontez une histoire, le plus important c’est de réussir à reconstituer le spectre des éléments qui la constitue : sons, images, sentiments, odeurs etc…Ce sont ces éléments qui vont fixer le socle de votre histoire, à chaque fois que vous allez la répéter puis la jouer sur scène il faut vous connecter à ces éléments.
Cela ne vous empêche pas du tout d’avoir une façon fixe de dire les choses ! La construction d’une blague est précise, elle peut reste identique à chaque fois que vous la dite mais votre façon de l’appréhender et de la mémoriser doit passer par quelque chose de plus viscéral que du simple “par coeur”.
Ma technique perso
J’écris mes blagues sur des carnets, sur des fiches ou sur mon téléphone. Au moment de l’écriture, je me focalise sur les étapes de la blague, sa construction et ses punchlines. Une fois que j’ai une bonne visibilité sur ça, je vais juste prendre une fiche en écrivant le nom de la blague et la mettre à côté de mon bureau puis pendant les jours qui suivent je vais “travailler” la blague. J’y pense, si c’est une histoire j’essaye de me souvenir si des détails croustillants ne subsistent pas dans mon esprit ou si j’arrive à la raccrocher à une autre expérience. Je me concentre en particulier sur mes émotions : pourquoi j’agis comme ça et pourquoi les autres agissent comme ça etc. J’essaye de comprendre la dynamique : “Au début je suis cool quand j’arrive à cette soirée et il y a un truc qui m’énerve…”
Je fais tout pour visualiser la situation et bien me relier aux sentiments qui l’accompagne.
A la fin ma blague suit le cheminement fixé à l’écriture mais gagne en vérité, en amplitude, en capacité à se connecter aux gens car j’y mets des sentiments et du vécu. Par la suite, je fixe solidement les mots de ma blague, surtout si elle est technique et précise dans son exécution mais je ne me départis jamais de ma connexion à l’ensemble de l’expérience.
Les blagues sont constituées de mots mais les mots ne sont là que pour communiquer une expérience. C’est l’expérience qui est importante, pas les mots, c’est à ça que vous devez en permanence vous raccrocher et c’est ça qui va vous permettre de connecter avec le public.