La langue française possède une panoplie invraisemblable d’expressions populaires. En vous appuyant dessus, vous pouvez fournir alimenter d’excellentes blagues.
La porte ouverte à toutes les fenêtres…
Détourner une expression, en modifier le sens, ce sont des techniques qui ont été déjà beaucoup employées en humour. Ainsi Gad Elmaleh a popularisé une expression détournée par le comédien Pido. Traditionnellement on dit “c’est la porte ouverte à…” / Tous les abus, toutes les dérives, tous les problèmes…
Pido a trouvé cette incroyable formule “C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres”
Comprendre les éléments qui constituent une expression
Pour détourner une expression il faut comprendre ce qui la compose. En général la construction est similaire à une blague de base même si on n’est pas dans le cadre de l’humour : prémisse, angle, punchline.
Dans “C’est la porte ouverte (Elément1) à XXX” on s’attend à ce que la suite soit quelque chose que l’on ne va pas apprécier, qu’il y une notion d’exagération (Elément 3). On sait aussi que la porte est ouverte à “tous ou toutes” (Elément 2) , on s’attend à retrouver ce mot.
Dans la version “C’est la porte ouverte à toutes les fenêtres” on retrouve donc les 2 premiers éléments constitutifs, seul le 3ème est surprenant. C’est exactement comme ça que fonctionne les blagues : prémisse et angle vous mettent sur un rail et la punchline vous surprend.
La grande force du détournement d’expression est de s’appuyer sur des connaissances du public. Le spectateur connait sûrement l’expression de base donc il a une attente quant à la suite. Si vous déjouez cette attente vous le surprenez forcément.
Dans l’expression de Pido le twist humoristique en plus d’être absurde car la fenêtre n’est pas une forme d’abus, repose aussi sur le fait que la fenêtre appartient au champ lexical de la maison. Ce n’est pas une notion abstraite mais deux objets qui cohabitent logiquement en temps normal sans pour autant interagir. En plus ils ont des fonctions similaires, laisser passer l’air, les gens, la lumière, ils s’ouvrent, se ferment, possèdent une poignet…
Cas pratique
L’expression popularisée par Molière : “Il n’y a point de pire sourd que celui qui ne veut entendre”.
Si on la décompose on obtient : “Il n’y a point de pire (Element 1 ) sourd (Element 3) que celui qui ne veut (Element 2) entendre (Réponse à l’élément 3)”
Si on veut la détourner ça va donner : Il n’y a point de pire XXXX que ce lui qui ne veut YYY. Inutile de toucher aux Eléments 1 et 2, il suffit de faire varier l’Elément 3 et sa réponse.
Exercice 1
Essayez de trouver une façon de détourner l’expression : ” Il n’y a point de pire sourd que celui qui ne veut entendre”
N’essayez pas d’être drôle, juste comprenez la dynamique de l’expression et comment vous pouvez l’appliquer par exemple aux aveugles, aux muets aux parents, aux oiseaux…Soyez aussi simple que factuel
Exercice 2
Avec la même expression, essayez maintenant de la détourner en obtenant un effet comique. Si dans l’expression de base il ya une logique évidente et indiscutable entre ne pas entendre et être sourd, dans votre blague il y a des chances que la surprise vienne de l’écart entre l’Elément 3 et sa réponse.
Exercice 3
Conservez l’Element 1 et 2 et choisissez arbitrairement l’Elément 3 ! Soit en choisissant au hasard dans le dictionnaire, soit le premier mot qui vous vienne à l’esprit comme Pizza, voiture, Nike.
Du coup la seule variation que vous pouvez apporter est sur la réponse à cet élément ! Ca a l’air dur mais en fait c’est presque plus facile que quand le choix de l’élément 3 est libre, là ça vous donne directement le sujet de la vanne.
Des variations infinies
Il existe une grande quantité d’expression, vous pouvez reproduire l’exercice avec : “Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué” “Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.” etc
Exercice pour aller plus loin dans la blague ou offrir une variation
Prenez une expression connue de tous comme “Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué”.
Posez vous la question : Pourquoi? Pourquoi il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué? Qu’est ce que ça fait si on la vend avoir de l’avoir tué? On se retrouve dans quelle situation? A quel point ça impacte l’ours?
Pourquoi il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué?
Les réponses suivantes ont été proposées par mes élèves d’Orchestra Studios : – Parce que le marché de la peau d’ours est à saturation
– Parce que les ours sont nos amis
– Parce que tu peux la louer plus cher
– Parce que l’ours refuse de se faire épiler
– Parce que c’est trop capitaliste de vendre un truc que tu n’as pas
– Parce que si l’ours est encore vivant il va mal négocier le prix de sa peau
Le fait de se poser la question : Pourquoi? Ca vous pousse à vous dire : “Mais comment on en est arrivé à cette expression?” “Que signifiait-elle à la base et est-elle toujours pertinente dans le monde d’aujourd’hui”
C’est de là que peut naitre la comédie.
Exemple personnel : Mes grands parents utilisaient l’expression peu connue : “A cheval donné on ne regarde pas les dents”. Son sens est simple, si vous obtenez quelque chose gratuitement, vous ne devez pas avoir d’exigence sur la qualité. J’adore parler de cette expression sur scène car elle reflète bien ce qu’était mes grand-parents, des gens simples, attachés à la terre et aux notions de base. Ce que j’aime faire c’est dire : “Mais dans quel type de transaction on est? On est réellement dans le cas d’un mec qui vient et qui te dit : Ok je vais te donner un cheval mais surtout tu ne regardes pas ses dents…il est hyper susceptible”
J’en arrive à cette histoire absurde car je me suis posé la question Pourquoi? Pourquoi il ne faut pas regarder ses dents? Pourquoi on est dans une situation où quelqu’un me donne un truc aussi improbable qu’un cheval? etc
Détourner les expressions reste une valeur sûre pour agrémenter vos sketchs. Il faut le faire avec finesse et toujours chercher à surprendre, mais c’est le cas de toutes les blagues…