Il arrive en entendant certains sketchs que la mécanique soit tellement répétitive que l’on anticipe les chutes et les effets. Apprenez à varier vos angles et vos techniques.
Une petite mélodie
A force de jouer, beaucoup d’humoristes développent une “musique”, une façon de dire leurs phrases. Du coup, même si les blagues ne sont pas les mêmes, qu’elles sont composées d’autres mots et d’autres idées, la musique est la même et le public l’entend. Cela a pour effet de désamorcé les chutes car la mécanique est comprise…
Observez bien sur les plateaux d’humour et les scènes ouvertes, essayez de trouver la “musique” des différents intervenants, vous devriez y arriver facilement. Il est aussi possible que certains humoristes, à force de se fréquenter, adopte la même musique ! Cela rend alors le phénomène très agaçant puisque les artistes s’enchainent mais le mécanisme est transparent pour le public.
Comment ne pas tomber dans cette routine ?
La fameuse “musique” s’entend déjà à l’écrit ! Je relis énormément de sketchs de mes étudiants et rien que sur le papier je peux déjà voir certaine redondance qui vont aboutir à des mécaniques comprises par le public : même type de blague, même rythme dans les phrases, constructions similaires, paragraphes de la même longueur etc…
C’est normal, on a tendance à reproduire ce que l’on fait bien ! Du coup on peut dès l’écriture écrire 10 bonnes blagues dont 8 partageront le même ADN. Une fois passées à l’oral ces 8 blagues risquent de résonner entre elles et pas pour le meilleur, elles vont s’entrechoquer pour le public qui a compris le “truc”.
Dès l’écriture faites attention à : avoir des phrases de longueurs différentes, varier le type de blague, alterner narration et vannes etc…
Casser la musique quand elle est installée
Dans ma 3ème année de stand-up j’ai été amené à présenter des galas. Alors que je n’avais jamais travaillé avec un metteur en scène, j’ai été obligé de soumettre mon travail à une tierce personne. Cette personne a immédiatement remarqué que quoi qu’on me donnait à dire ou à présenter, je le faisais avec la “musique”. J’avais développé une routine dans mes phrases, une petite musicalité qui m’empêchait d’être sincère et qui annonçait mes effets!
Pour lutter contre ça la première solution qu’on m’a apporté était de paraphraser, de reformuler les phrases que j’avais à dire. Le soucis c’est que oui ça coupait ma musique mais j’avais l’impression de perdre des effets…
La seconde solution était d’être sincère, de penser vraiment ce que je disais. C’est en me concentrant sur ça, que j’ai pu casser la musicalité, je faisais tout pour être connecté à mes paroles et du coup je reformulais aussi mes phrases pour être au plus juste. La solution 2 m’a amené à exploiter aussi la solution 1.
J’aimerais vous dire que ce fut simple et que tout a été résolu d’un coup mais non ce fut long et douloureux. Sachant que le metteur en scène a du me faire répéter 100 fois le simple fait d’arriver et de dire bonsoir au public. Sur ce simple petit moment, il y avait de la “musique” et on sentait que c’était très mécanique comme approche. Pour quelqu’un qui n’a jamais travaillé avec personne pour le guider, c’est assez dur psychologiquement de se dire : “Tu ne sais même pas dire bonsoir et tu vas présenter un gala télévisé”. De la même façon que mes étudiants ou des camarades comédiens acceptent mes retours, je dois aussi écouter quand l’interlocuteur en face de moi repère une faiblesse et me donne des clés pour agir.
A force de travailler sur la sincérité et la reformulation j’ai fini par comprendre : je vais monter sur scène et si ça me fait plaisir de leur dire bonsoir, je vais le faire, sinon je vais dire autre chose, l’important c’est de croire à ce que je dis. C’est cette petite touche de fragilité qui a totalement cassé la mécanique chez moi, à vous de trouver la votre.
Un sketch doit être fait de surprise, la “musique” de vos phrases peut totalement jouer en votre défaveur. Apprenez à ne pas la laisser s’installer, à la rompre et à la transformer à votre guise.