Et si l’ennemi de Batman était juste un comédien de stand-up frustré?
Origin Story
C’est une relecture très étrange des origines du Joker que nous offre le réalisateur Todd Phillips. Dans cette version de l’histoire avant de devenir le fameux Joker, némésis de Batman, Arthur Fleck n’est qu’un comédien de stand-up raté.
Il faut dire qu’il souffre d’un sérieux handicap : il rit sans pouvoir se contrôler. Si on ajoute à ça son incapacité à vraiment comprendre pourquoi les autres rient, il faut avouer que ça ne doit pas être évident de se lancer dans une carrière d’humoriste. Pourtant Arthur Fleck a envie de rendre les gens heureux, de transmettre du rire, d’où son petit boulot alimentaire de clown qui fait de la publicité pour des grands magasins.
Le prisme du stand-up
Le film a beaucoup de qualités et a été récompensé la Mostra de Venise, les Golden Globes, les Oscars…Joaquin Phoenix qui incarne Arthur Fleck est indéniablement au sommet de son art.
Nous ne nous attarderons donc pas sur l’aspect formel du film ou les qualités de son scénario, tout cela est déjà bien documenté par d’autres.
Ce qui nous intéresse dans cette histoire est qu’il s’agit bien de l’histoire d’un homme qui fantasme une réussite dans le milieu de l’humour. Pour concrétiser sa volonté d’être comédien de stand-up il s’essaye dans des comedy clubs de Gotham City (qui ressemble fortement à New-York)…Lors de ces open-mikes il crée le malaise que ce soit en tant que spectateur qui ne sait pas quand rire ou en tant que performer qui rit de façon hystérique à ses propres blagues.
Arthur possède aussi un “carnet de blagues” où il note ses meilleures pensées et ses punchlines. Ce carnet, ce n’est pas innocent, est aussi son journal intime où il superpose pensées personnelles, photos pornographiques et dessins abstraits. C’est à dire que symboliquement au coeur de l’humour d’Arthur se mêlent toutes les émotions les plus extrêmes…
Arthur est obsédé par une émission de télévision, un late show animé par Murray Franklin qui est l’équivalent d’un David Letterman ou d’un Jimmy Fallon. A force de voir cette émission et par le prisme de sa folie, Arthur trouve en Murray une figure paternelle, quelqu’un auprès duquel il doit se faire accepter. Le stand-up pour Arthur est un moyen d’accéder à ce type d’émissions et de lier à ce qui représente le plus un père pour lui…Autant dire qu’il joue gros en se produisant sur scène.
On parle souvent de “trouve son clown” en stand-up et Arthur Fleck semble le trouver au moment où il accepte l’ironie de sa situation, la violence du monde qui l’entoure et celle, salvatrice pour lui, dont il sait faire preuve…Une fois qu’il a accepté qui il était alors il peut dépasser le stand-up en tant qu’art, détruire la figure paternelle idéale que représente Murray Franklin et endosser pleinement son rôle de Joker.
Joker n’est pas du tout un film sur le stand-up mais cet art joue un rôle non négligeable dans la démarche du “héros”. Multi récompensé, encensé par la critique et poids lourd du box office, Joker est devenu incontournable.