En humour si l’autodérision est une qualité nécessaire il ne faut pas la confondre avec l’autodépréciation…
La différence
Autodérision :
L’autodérision est la faculté ou le fait de se tourner en dérision. Ce terme désigne une attitude consistant à rire de soi-même.
Autodépréciation :
Comportement d’un individu qui a des jugements défavorables à son égard
On a tendance à mélanger ces deux termes car dans les faits il arrive que les domaines s’entremèlent. Toutefois il faut bien noter que rire de soi-même n’est pas la même chose que porter un jugement défavorable à son propre égard !
Inutile de se maltraiter
En comédie on dit en permanence : il faut avoir de l’humour, laisser son égo de côté, rire de tout etc…Bien sûr qu’il faut avoir de l’humour, c’est la base du boulot ! Son égo de côté? C’est ce qui permet d’encaisser les aléas…Rire de tout? C’est le principe d’une démocratie, on peut mais on n’est pas obligé.
Donc oui, il faut savoir encaissé, il faut savoir porter un regard marrant sur sa propre vie et ses défauts mais ce n’est pas pour autant qu’il faut se juger négativement, se rabaisser, se maltraiter.
Exemple : Un comédien obèse arrive sur scène. On s’attend à ce qu’il parle de sa forme physique. Donc lui se sent souvent obligé de parler vite de ça et de “soulager” le public en se moquant de son physique, en faisant passer le message “Oui je sais que je suis gros” avec des blagues.
Le soucis c’est que l’obésité n’est pas ce qui définit cette personne, comme la couleur de peau ne définit pas quelqu’un ou encore la sexualité. C’est une des composantes d’un individu mais pas forcément l’élément central de sa vie !
Le besoin de reconnaissance
Le psychologue Abraham Maslow a établi sa célèbre pyramide représentant la hiérarchie des besoins. En haut de cette pyramide on trouve : le besoin d’estime et le besoin de s’accomplir.
J’ai déjà vu nombre de sketchs composés de blagues négatives sur la personne qui les jouait : je suis gros, je ne suis pas très beau, je ne sais pas faire ci alors que tout le monde sait le faire…
On peut considérer que l’autodépréciation est un frein direct au besoin d’estime…On ne s’autorise pas à être ce que l’on est sans s’en moquer.
Aujourd’hui j’incite les apprentis humoristes et même les plus confirmés à réfléchir plus profondément à cette mécanique et à bien effectuer la différence entre autodérision et autodépréciation.
Une réflexion amorcée avec élégance dans le spectacle Nanette d’Hannah Gadsby (disponible sur Netflix)
Donner à penser
On peut en parler, on peut en jouer mais on n’est pas obligé de se rabaisser en adressant le sujet, bien au contraire ! Par sa propre expérience, son vécu, son analyse, on peut donner à réfléchir aux gens sans se moquer de soi-même !
Exemple personnel : Il m’est arrivé d’avoir des tics de vérification, c’est à dire qu’avant de quitter mon domicile je devais accomplir certains rituels pour fermer les portes. Sur scène, je n’ai pas abordé le sujet en disant que j’étais fou ou débile. J’ai effectué des recherches et me suis documenté sur l’origine possible de ces troubles et mes blagues ont porté sur ça. Le trouble est devenu une prémisse au reste de mon histoire…
Je ne me suis pas rabaissé et surtout je n’ai pas rabaissé les personnes qui pourraient se reconnaitre dans cette pathologie.
Le stand-up a évolué, les évidences d’hier n’ont plus à être celles d’aujourd’hui. Prenez le temps d’écrire et de jouer un stand-up dont vous êtes fier et qui inspirera les autres. Le temps de l’autodépréciation est révolu.