Le public peut apprécier les sketchs, les blagues, les histoires mais ce qu’il doit apprécier en premier c’est vous…Est-ce que vous êtes quelqu’un d’attachant?
La sympathie du public
Il y a quelques années je fréquentais un groupe de comédiens et nous avions un producteur qui chapeautait l’ensemble. Parmi la dizaine de comédiens il ne produisait vraiment qu’une humoriste pour qui il avait eu un coup de coeur. Quand on lui demandait qui il produirait en plus s’il devait en produire juste un de plus il n’allait pas vers le plus efficace sur scène, ni le plus technique ou encore le plus original. Pour lui son seul critère était la sympathie du public et il avait son idée sur qui était le plus sympathique et (spoiler alert) ce n’était clairement pas moi !
J’ai toujours trouvé ça intéressant que ce soit ce paramètre en particulier qui le fasse prendre une décision, surtout qu’à l’époque être apprécié n’était pas vraiment une donnée qui influençait mon stand-up.
A quoi ça sert?
C’est en jouant plus régulièrement dans des salles plus grandes et composées d’un public plus varié que j’ai compris pourquoi avoir un côté attachant était un plus : ça permet aux gens de vous accepter et de vous écouter, même quand vous allez loin… Si vous allez loin sans ce rapport établi, on risque de ne pas vous suivre, car il n’y a aucun attachement, aucune empathie. Alors qu’avant j’attaquais direct par les blagues que j’estimais les meilleures, j’ai par la suite commencé mes sketchs par des éléments plus personnels, des blagues qui donnaient des infos sur moi et ma façon de penser et de me percevoir.
Quelqu’un qui apparait comme antipathique va se retrouver avec un public qui peut refuser de suivre ses histoires, d’accepter ses blagues ou son humour. Du coup même si techniquement le comédien est brillant, il a mis l’audience dans une position qui n’est pas favorable. Alors qu’un comédien qui arrive à être aimable et attachant va pouvoir défendre son point de vue quelqu’il soit !
Dans la vie quotidienne c’est le même processus qui régit les conventions sociales : si je t’aime bien je t’écoute sinon ton avis ne m’intéresse pas…
Comment rendre sa personnalité plus agréable?
Honnêtement trouver soi-même la façon d’être plus attachant n’est pas évident et ça ne se corrige pas en quelques heures. Il incombe souvent à une tierce personne de vous guider : metteur en scène, camarade comédien…Ils ont ce regard extérieur qu’il vous manque et peuvent tout à fait vous dire : “Ok, on a du mal à voir qui tu es et pourquoi on t’écouterait?”
Du coup cela peut vous pousser à travailler votre Opener, à rendre votre introduction plus intime et puissante. Un des enjeux de l’opener est de faire comprendre au public que vous avez conscience de la façon dont vous êtes perçu. Souvent les humoristes font preuve d’auto-dérision avec des phrases comme : “Oui je sais je ressemble à…” Cette dérision rend immédiatement plus sympathique car le public se dit “Ah oui il est conscient de ce que je vois aussi et que je n’ose pas dire”
C’est aussi une façon de montrer de la vulnérabilité et quoi de plus attachant que quelqu’un qui montre aussi des faiblesses pas seulement un masque de toute puissance?
Se connecter aux vraies émotions
La façon la plus simple de toucher le public reste d’être vrai et entier, d’être connecté à de réelles émotions. Comme beaucoup de choses en stand-up c’est simple mais pas facile ! Le public actuel a déjà vu beaucoup de comiques, entendu beaucoup de blagues et écouté de nombreux sketchs. Ce n’est plus forcément l’efficacité de la blague qui va les toucher mais la personnalité du comédien, sa capacité à dire des choses qui résonnent en eux. Comment ce que dit l’humoriste trouve une part de vérité dans leur propre existence.
C’est ainsi que l’on crée de “l’adhérence”, ce lien qui fait qu’un spectateur a envie de vous connaitre et de vous comprendre.
Exemple personnel : Quand je relis un sketch, en plus du travail sur la qualité des blagues je me demande toujours : “qu’est ce que le public va apprendre de moi avec ce que je raconte”. Si ce n’est pas net alors j’oriente mon sketch dans la direction que j’estime la plus proche de mes sentiments. J’adore m’interroger sur le sens des mots et des expressions. En général quand je fais ça, je commence toujours par dire que j’apprécie énormément la langue française et en particulier tel ou tel mot, ce qui est vrai car sinon je ne consacrerai pas autant de temps à les étudier. Je m’assure que tout monde connaisse le mot et sa définition. Le public et moi partons donc avec les mêmes bases. Une fois que c’est accepté alors seulement je commence mon travail de détournement, d’extrapolation et de comédie. Mais ça n’arrive qu’après que le public ce soit dit “ah oui, il est comme nous, il est sympa”. Ils me comprennent donc ils sont prêts à écouter ce que j’ai à dire.
Etre sympathique, avoir l’adhérence du public, toucher le coeur des gens…nous ne sommes pas tous égaux face à ces phénomènes. Cependant nous avons tous la capacité de progresser sur ces points précis pour permettre aux spectateurs d’entrer dans notre univers.