On dit que l’improvisation est au stand-up ce que le jazz est à la musique…Comment utiliser ces moments pour valoriser vos sketchs?
L’improvisation c’est quoi?
Improviser c’est se produire sans texte, sans mise en scène prédéfinie, et composer avec les éléments qui sont à notre disposition. L’improvisation théâtrale est très répandue et codifiée. Elle n’est pas forcément à vocation comique, elle fait juste partie du panel de la formation d’acteur.
En stand-up on considère comme impro, tout ce qui ne fait pas partie du sketch tel qu’il a été écrit et souvent cela prend la forme d’une adresse directe aux spectateurs.
L’impro pour briser la glace
L’improvisation est particulièrement intéressante pour faire connaissance avec le public et briser le 4ème mur. C’est souvent cette forme que l’on retrouve dans les sketchs francophones, une improvisation située en début de sketch qui permet de parler au public. Cela peut passer par des questions très génériques comme : “Qui est venu en couple?” “Qui n’est pas de Paris?” etc.
Le but est de trouver à qui parler et d’établir un dialogue en partant de la réponse apportée. Cela permet d’être directement en contact avec l’audience sans utiliser ses blagues “écrites”.
Exemple : Dans le spectacle d’Anthony Joubert, Saison 2, après quelques blagues d’introduction très courtes, Anthony se laisse systématiquement une place pour s’adresser au public. C’est dans sa “conduite” de spectacle, il débute, improvise avec le public puis continue sur ses sketchs. Ses impros sont assez simples : “Vous venez d’où? Tu t’appelles comment? etc” Mais il a un panel de réponses super affuté ! Il sait qu’il a une blague pour chaque réponse. Ainsi dès le début il arrive à convaincre qu’il est drôle et que la soirée va être bonne.
L’impro pour prouver un argument
On peut aussi se servir de l’improvisation à l’intérieur d’un sketch ou d’un spectacle pour argumenter ou nuancer un point de vue. Dans ce cas précis on se sert du dialogue avec le public pour alimenter ou tendre vers quelque chose de précis ou construit.
Exemple : J’ai un sketch sur la commission Hadopi chargé de lutter contre le téléchargement illégal. Ce que je vais défendre comme point de vue, c’est que les gens qui composent la commission sont trop gentils et qu’ils ne font peur à personne. Pour introduire ça je dis “J’ai reçu une lettre de la commission Hadopi parce que j’avais téléchargé un film, qui c’est qui a déjà reçu une lettre comme ça?”
A partir de là je chercher à savoir qui a reçu, pourquoi, l’effet que ça lui a fait, qu’est-ce qu’il téléchargeait précisément. C’est un dialogue où j’écoute ce que l’on me dit avec attention, je n’essaye pas forcément de faire le malin ou d’être drôle, juste je reformule ce qu’on me dit si ce n’est pas clair et j’essaye de leur faire répondre à la question : “Est ce que vous téléchargez encore?”
A partir de là je vais raconter ma propre expérience avec la commission Hadopi tout en y incluant des détails apportés par les réponses précédentes. C’est de l’improvisation car je ne sais pas ce que va me répondre le public mais c’est contrôlé car j’ai déjà une idée de ce que je vais en faire concrètement.
L’impro pour varier les angles
Dans un spectacle de stand-up il faut être capable de surprendre, de varier ses angles d’attaque, de créer la surprise à plusieurs reprises, d’offrir des variations de rythme. En aménageant des moments d’improvisation, cela crée des espaces “différents” dans un show.
Exemple : Aziz Ansari demande au milieu de son spectacle à certains spectateurs s’ils veulent bien lui confier leur téléphone portable. A partir de là, il remonte le fil des sms échangés et arrive à proposer un exercice hilarant où il reconstitue l’histoire des relations entre les personnes.
Pourquoi les spectateurs apprécient l’exercice ?
L’improvisation est quelque chose d’assez bien reçu par le public, il y a une forme d’audace dans cet exercice qui est reconnu par l’audience. A la base la majorité des spectateurs se disent : “Je ne pourrais pas monter sur scène et m’exposer ainsi” et avec l’impro ils pensent “En plus pour me lancer dans un truc où je n’ai pas tout préparé, où la part de hasard est grande”.
Il ya un côté sympathique et spontané qui peut transparaitre dans l’improvisation, ce n’est pas pour rien que des artistes comme Kheiron ou Sugar Sammy remplissent des salles avec des shows qui font la part belle à l’impro.
L’improvisation n’est pas la béquille de l’écriture
A titre personnel je considère que l’écriture est la base du stand-up et que l’impro ne doit être là que pour valoriser cette écriture. Malheureusement il arrive que certains humoristes pour compenser une écriture insuffisante et un matériel trop léger, fassent beaucoup d’interactions avec le public. Il n’est pas rare sur des sketch de 10 minutes de voir 5-6 minutes de dialogue avec le public puis 4 minutes de vannes écrites…C’est une méthode, elle a ses avantages mais ce n’est pas celle que je préconise.
L’improvisation est un outil, servez-vous en ainsi ! Que ce soit pour briser la glace, appuyer un propos ou offrir une variation. Il ne faut pas que l’improvisation devienne le coeur de votre sketch : vos blagues en sont le coeur !
L’impro est un élément qui peut apporter beaucoup à vos sketchs. Sachez lui donner la juste place dans vos prestations et préparez à vous à l’exploiter à son plein potentiel.