Il existe une croyance tenace dans le monde du stand-up : celle qu’il faut “prendre son temps”, qu’on ne peut pas prétendre jouer 30 minutes tant qu’on ne maîtrise pas parfaitement chaque minute.
Mais parfois, cette prudence devient un frein. Un blocage. Un faux prétexte.
Dans la réalité du terrain, oser jouer 30 minutes, même imparfaites, est souvent un accélérateur puissant. Parce qu’on n’apprend jamais autant que lorsqu’on est exposé. Quand on se met face au public pour “tenir la scène”, sans avoir la béquille du timing serré.
Vous n’êtes pas obligé d’être prêt à 100 %
La vérité, c’est que personne ne l’est.
Si vous attendez d’avoir un set parfait de 30 minutes pour commencer à le tester, vous allez tourner en rond sur 10, 15, peut-être 20 minutes… mais vous n’apprendrez jamais à construire la suite.
Il n’y a que sur scène que vous allez comprendre ce qui respire, ce qui manque, ce qui prend.
C’est dans le flot de 30 minutes, dans l’enchaînement des moments forts et faibles, que vous allez voir :
- Où vous vous répétez sans le savoir
- Quels passages créent une vraie connexion
- Où vous avez besoin de relancer le rythme
- Ce que vous valez vraiment en endurance
Jouer longtemps vous apprend à raconter
À force de ne faire que des formats courts, on devient très bon pour “enchaîner les punchs”… mais parfois au détriment de la narration.
Or, en 30 minutes, vous êtes obligé d’élargir :
- D’installer des sujets
- D’assumer les silences
- De construire une tension
- D’être sincère, pas juste efficace
Un passage long vous pousse à être dans la nuance, dans le lien, dans l’écoute de la salle.
Et ces compétences-là sont essentielles si vous voulez un jour écrire un spectacle entier.
Plus vous le faites tôt, plus vous serez armé
Attendre trop longtemps pour jouer plus long, c’est prendre le risque de se figer dans des formats qui ne vous obligent plus à progresser.
À l’inverse, jouer 30 minutes rapidement vous expose à vos lacunes — et donc à vos vrais axes de travail.
C’est un peu comme un coureur de 5 km qui s’essaie au semi-marathon : il va galérer, sûrement, mais il va découvrir ses limites physiques, mentales, son souffle, sa gestion de l’effort.
Et une fois redescendu sur du plus court, tout paraît plus fluide.
Et si vous “foirez” ?
Tant mieux.
Vous apprendrez plus dans une galère de 30 minutes que dans 10 passages parfaits de 7 minutes.
Un passage long vous oblige à trouver des solutions en temps réel.
Vous devez :
- Gérer une baisse d’énergie
- Relancer une salle qui décroche
- Vous appuyer sur ce qui fonctionne pour rebondir
C’est une école de lucidité et d’adaptabilité. Et c’est ce que fait un vrai comédien.
N’attendez pas d’avoir “le niveau” pour jouer long
Le niveau vient en jouant long.
Pas l’inverse.
Ce n’est pas parce que vous avez 30 minutes solides que vous pouvez jouer 30 minutes.
C’est parce que vous avez tenté 30 minutes, souvent, que vous finirez par les avoir.
Alors si l’opportunité se présente, n’hésitez pas. Allez-y. Préparez ce que vous pouvez, et testez le reste sur scène.
Vous serez peut-être fatigué à la fin. Peut-être frustré.
Mais vous aurez grandi.
Et surtout : vous saurez.