En standup, il savoir parler de soi sur scène et en dehors de la scène. Autant le premier exercice est plaisant car inhérent à la discipline, autant le second peut s’avérer plus périlleux.
Esprit de synthèse
L’exercice de décrire soi-même son univers, son humour est sûrement l’un des plus difficiles. En général on écrit des blagues, on fait rire, on améliore et on continue jusqu’à avoir de meilleures blagues etc.
A un moment il faut prendre le temps de se poser et de dire : “Ok, maintenant que j’ai un peu de matériel, comment je résume ça si je dois l’expliquer?” Que vous ayez 10, 20 ou 60 minutes de sketch, le principe est le même : synthétiser votre univers.
Il va falloir preuve d’un esprit d’analyse et de synthèse. Comprendre ce que vous voulez dire à travers vos sketchs et le retranscrire d’une façon agréable et claire. Ce travail ressemble un peu à celui effectué sur la description des spectacles sur les sites tels que Billetréduc. Les artistes se décrivent et résument leurs spectacles en quelques lignes, avec souvent une volonté de faire rire et donner envie à travers ce résumé.
Types et archétypes
La première chose à faire est sûrement de comprendre quel type d’humour vous pratiquez : observation, narratif, absurde, noir, trash, politique, satirique, réflexif etc. Vous pouvez naviguer entre plusieurs eaux et combiner les types d’humour.
De la même façon il existe plusieurs archétypes de comédiens, il faut essayer de comprendre dans quelle lignée vous vous situez. Le plus simple en général est de réaliser à qui de connu on ressemble le plus et à quel genre cette personne appartient.
Ce travail de compréhension de soi n’est pas effectué pour vous enfermer dans une case mais pour vous situer dans un univers déjà codifié.
Exemple personnel : Mon premier spectacle “What The F*ck?” était de l’humour trash avec un côté geek-nostalgique d’un animateur de télévision trentenaire . Le second “Mauvais garçon” c’était de l’absurde et de l’acide par un jeune papa qui voyait tout son monde remis en question suite à la naissance de son premier enfant.
Le matériel que je développe actuellement est totalement surréaliste et j’appartiens aux archétypes du Créateur (celui qui mêle l’art et le standup) et du bouffon (celui qui manie la blague simple, le one-liner). Je peux mettre des mots sur chaque phase de mon évolution et même trouver une logique à ce que je fais aujourd’hui.
Pourquoi il est important de savoir se résumer?
A de nombreuses occasions on risque de vous demander de parler de votre humour : interview, résumé pour site de réservations, réseaux sociaux, dossier de presse etc. Ce n’est pas quelque chose qui s’improvise, vous devez y réfléchir et trouver des réponses qui soient à la fois satisfaisantes car fidèles à la réalité et marrantes car vous restez un humoriste. Le but quand vous vous résumez ça reste de donner envie aux gens d’en savoir plus sur vous et qu’ils se focalisent sur les points qui vous intéresse.
Exemple personnel : J’ai eu plusieurs métiers avant d’être humoriste (clerc d’huissier, journaliste, scénariste) et j’avais tendance à le dire en me résumant ou lors des interviews. Toutefois mes blagues n’étaient jamais sur ça ou connectées à ces expériences passées. Donc je suscitais une attente qui était forcément déçue. Aujourd’hui c’est limpide : je suis humoriste et génie, dans l’ordre que l’on veut. C’est tout, il n’y a que ça à savoir, le reste n’entre pas en ligne de compte.
A contrario une comédienne comme Caroline Vigneaux a tout intérêt à faire valoir qu’elle était avocate puisque c’est le coeur de son humour.
Imaginer son affiche
Une façon de parvenir à se résumer et synthétiser son univers c’est d’imaginer qu’on a un spectacle. Même si vous n’avez qu’un ou deux sketchs, vous pouvez le faire.
Vous avez votre spectacle et donc sur l’affiche il y a un nom : le votre.
Le second élément important est le titre du spectacle. En cherchant le titre vous allez forcément devoir vous poser la question : qu’est ce que je veux raconter?
Eventuellement il y a aussi un slogan, une phrase d’accroche qui va vous résumer (le plus jeune humoriste de France, le nouvel espoir du standup Ougandais etc). Vous devez trouver sur quel bouton appuyer pour générer de l’intérêt.
A ce stade pas besoin d’imaginer la façon dont vous êtes habillé, photographié ou les couleurs de l’affiche, concentrez-vous sur les éléments écrit : nom, nom du spectacle, phrase d’accroche.
Une fois que c’est clair alors imaginez le résumé de votre spectacle qui doit à la fois vous présenter, présenter votre show et donner envie aux gens de vous découvrir.
Aucune vanité
Ce n’est pas mettre la charrue avant les boeufs que de faire cet exercice ! Il est important de prendre le temps de se comprendre et d’avoir les éléments pour se raconter. Je pousse mes élèves à effectuer ce travail après leur première saison de standup quand ils ont au maximum 10-12 minutes de sketchs à un niveau correct et l’équivalent de temps pas assez testé. Ca les oblige à faire un point sur l’année écoulée et analyser leur cheminement et envisager l’avenir avec lucidité. Ils savent d’où ils viennent et déterminent précisément où ils vont. C’est en définissant leur personne comique que leur stand-up devient plus précis car leur point de vue est plus clair et tranché que jamais.
De mon côté ça m’aide aussi à parler d’eux ! Ils ont des vidéos que je peux montrer et aussi une façon de se raconter que je peux maintenant utiliser pour vendre leur travail plus justement.
Le standup ne se limite pas qu’à écrire et jouer des blagues. Il y aussi des exercices d’auto-analyse à effectuer pour pouvoir communiquer justement sur ce que l’on est et ce que l’on fait.